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4 avril 2023

Jugement n° 2104555 du 4 avril 2023

Projet de parc photovoltaïque sur la commune de Raissac d’Aude - Annulation de la décision du préfet de l’Aude portant dérogation aux interdictions édictées pour la conservation d’espèces protégées

Le tribunal administratif de Montpellier annule, par jugement rendu le 4 avril 2023, la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, délivrée par le préfet de l’Aude le 3 mars 2021, en vue de la réalisation d’un parc photovoltaïque sur la commune de Raissac d’Aude.

Il considère que la décision préfectorale n’est pas suffisamment motivée et que le projet de parc photovoltaïque ne répond pas à une raison impérative d’intérêt public majeur. 

L’arrêté préfectoral contesté prévoit des dérogations à diverses interdictions concernant 93 espèces de faunes sauvages : 1 espèce d’insecte, 6 espèces d’amphibiens, 8 espèces de reptiles, 20 espèces de mammifères, 57 espèces d’oiseaux et 1 espèce de poisson.

Le projet nécessitant cette dérogation, porté par la société O’MEGA 2, vise à l’installation, sur environ 8,7 hectares, de plus de 40 000 panneaux photovoltaïques sur le site d’une ancienne gravière dont l’exploitation est terminée depuis l’année 2009. Les panneaux doivent être installés en partie sur l’eau (plusieurs lacs) et en partie au sol pour un parc photovoltaïque d’une emprise totale d’environ 18,4 hectares. La puissance installée est de 18 MWc et l’énergie produite de 25 068 GWh, correspondant à environ 5 000 foyers alimentés. La durée d’exploitation est de 30 ans.

Sur recours de l’association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon (FNE LR) le tribunal annule l’arrêté préfectoral. Le Tribunal se fonde sur l’absence de motivation suffisante de la décision préfectorale, et estime que le projet ne répond pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l'environnement. Or celle-ci doit revêtir une importance telle qu’elle justifie une atteinte aux objectifs de conservation des espèces et des habitats naturels qui, eu égard à leur sensibilité, bénéficient d’une protection légale particulière.

Le Tribunal estime que le projet de parc photovoltaïque, qui s’inscrit dans les engagements nationaux pour le développement des énergies renouvelables (cf article L. 100-4 du code de l’énergie et décret du 21 avril 2020), ces objectifs étant repris et déclinés notamment dans les objectifs du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire (SRADDET) Occitanie et du plan climat air énergie territorial (PCAET) du Grand Narbonne, présente bien un intérêt public. Toutefois, le projet n’apporte qu’une très faible contribution aux objectifs que s’est fixée la région Occitanie. La communauté d’agglomération du Grand Narbonne, qui est déjà dotée de 9 centrales solaires au sol en service et a presque atteint son objectif d’autonomie électrique en 2030, a donné, dans son Plan Climat Air Energie, la priorité au développement des installations photovoltaïques sur le bâti (installations solaires en toiture et ombrières de parking).

Dans ces conditions, le tribunal considère que le projet de centrale au sol, dont l’installation est prévue dans un site renaturé depuis plus de dix ans à la suite de la cessation d’exploitation de la carrière, et qui vise à l’alimentation de 5 000 foyers en électricité, ne peut être regardé comme contribuant de manière déterminante à la réalisation des engagements déclinés localement sur lesquels le préfet s’est fondé. Même si le potentiel d’énergie photovoltaïque du territoire de la communauté d’agglomération reste sous-exploité, si des retombées économiques sont attendues par la commune d’implantation et que le projet prévoit un financement participatif, le projet ne répond ainsi pas à une raison impérative d’intérêt public majeur nécessaire à l’octroi d’une dérogation aux interdictions édictées en faveur de la faune.

Vous pouvez consulter le jugement intégral en suivant ce lien

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