JURISPRUDENCE - RETRO 2020

Décision de justice
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Le tribunal revient sur les décisions qui ont marqué sa jurisprudence depuis dix‑huit mois

Référés Covid

L’épidémie de Covid-19 n’a pas épargné le tribunal dans son activité contentieuse avec la centaine de référés dont il a été saisi depuis le mois de mars 2020.

Le premier confinement, caractérisé par des mesures nationales servant de fondement à des décisions locales, a donné lieu à plusieurs référés, essentiellement sur des questions de fermetures administratives pour non-respect des règles de confinement (épiceries de nuit, établissements de restauration). Principalement au rejet, les décisions du tribunal ont toutefois relevé des délais excessifs de fermeture (ordonnance du 10 avril 2020, n° 2001679, rappelant qu’une mesure de fermeture prise pour des motifs de santé publique ne peut excéder la durée maximale de deux mois), ou encore pris en compte l’absence d’information des personnes ou sociétés concernées sur le nouveau dispositif mis en place (ordonnance de suspension du 31 mars 2020, n°2001567, constat de police antérieur à la diffusion de l’arrêté préfectoral par la fédération professionnelle).

La période « entre-confinements » renvoie quant à elle à des décisions purement locales des préfets, où le curseur de l’appréciation du juge administratif a beaucoup reposé sur l’évolution du taux d’incidence : obligation du port du masque (ordonnance de rejet du 22 septembre 2020, n°2004089) ; fermetures des salles de sport, (ordonnance de suspension du 8 octobre 2020, 2004316, suivie des ordonnances de rejet du 16 octobre 2020, n°2004502-2004503, salles de jeu (ordonnance de rejet du 16 octobre 2020, n°2004540)

Enfin, depuis le second confinement, c’est un retour vers des décisions nationales et des décisions d’application locales - décret du 29 octobre 2020 (vente de produits « non essentiels », société C, 20 novembre 2020, 2005191, rejet ; centres commerciaux de plus de 20 000 m2 tributaires, pour leurs accès et évacuation, de mails clos, 2 février 2021, n°2100439, suspension ; interdiction des manifestations sur la voie publique ne garantissant pas le respect des mesures de sécurité sanitaire, 9 janvier 2021, 2100076, rejet). Il est également à noter des tentatives de certaines collectivités locales de s’affranchir des mesures nationales, suspendues suite à des déférés préfectoraux (police spéciale donnée aux autorités de l’Etat dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, prévalant sur la police générale du maire : commerces, Béziers et Perpignan (n°2004875-2004878, 4 novembre 2020) ; musées, Perpignan (n° 2100630 et s., 15 février 2021).

Le contexte sanitaire et les enjeux importants de protection de la santé publique qu’il implique ont rejailli immanquablement sur l’office du juge des référés. Dans son rôle de conciliation entre la protection des libertés publiques ou individuelles et les impératifs d’intérêt général, l’objectif de sauvegarde de la santé publique a pesé de façon inédite dans la balance.

Contentieux électoral

Le contentieux électoral a été aussi source de nombreux litiges au cours de l’année 2020, marquée à la fois par les élections municipales et sénatoriales.

Pour les élections sénatoriales de l’Aude et de l’Hérault qui se sont déroulées en juillet, le tribunal a su se montrer particulièrement rapide et efficace puisqu’il a été en mesure de traiter en trois jours 238 recours formés par les préfets contre les désignations des délégués des communes en vue des élections sénatoriales (n°2002988, 23 juillet 2020, notamment).

En ce qui concerne les élections municipales, le tribunal a été saisi de 110 recours, pour l’essentiel présentés par des électeurs ou le plus souvent par des candidats eux‑mêmes. Quatre protestations seulement ont émané des préfets, aux fins de corriger le résultat des élections (inversion de candidats ou désignation par erreur de conseillers communautaires). 14 saisines ont émané par ailleurs de la CNCCFP suite au rejet du compte de campagne de certains candidats et ont entrainé le plus souvent une déclaration d’inéligibilité du candidat concerné. Enfin, trois déférés préfectoraux ont été dirigés contre l’élection qui a suivi de vice‑présidents d’établissements publics de coopération intercommunale.

Le tribunal a annulé les opérations électorales qui se sont tenues dans quatre communes : Roquefort des Corbières (Aude) : diffusion d’un tract (n° 2001378 et autres), Saint Paul de Fenouillet (Pyrénées‑Orientales) : prise en compte de bulletins de vote ne mentionnant pas la nationalité d’un des candidats (n°2001457), Pinet (Hérault) : diffusion d’un bulletin municipal (n°2001436), Mèze (Hérault) : diffusion d’un tract (n°2002615).

Les principaux griefs soulevés relevaient classiquement de l’irrégularité des modalités de dépouillement, de l’irrégularité de la tenue de la campagne électorale, et, particularité en 2020, du fort taux d’abstention (environ 50% en moyenne). Cependant, ce dernier grief, bien que soulevé dans environ un quart des recours, a été dans l’ensemble écarté comme n’ayant pas été de nature à avoir eu une influence sur les résultats des élections contestées.

Les résultats des élections des principales communes du ressort du tribunal ont fait l’objet de recours (à l’exception notable de Montpellier où seul un recours dirigé contre l’élection de M. Saurel a été enregistré) et n’ont entraîné aucune annulation : Perpignan, Juvignac, Lattes, Clapiers, Béziers, Saint Cyprien, Agde, Lodève, Canet en Roussillon, notamment.

Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant la conformité à la Constitution de l’article L. 262 du code électoral, au regard de l’atteinte portée à l’égalité entre les électeurs ou candidats ainsi qu’au principe de pluralisme des courants d’idée et d’opinion du fait de l’absence de toute exigence de quorum vis-à-vis du nombre d’électeurs inscrits dans les communes de plus de 1 000 habitants, a fait l’objet d’une transmission au Conseil d’Etat, le 29 avril 2020, qui l’a lui-même transmise au Conseil constitutionnel, le 25 mai 2020, lequel a prononcé un non-lieu à statuer motivé par l’absence de changement de circonstances depuis la déclaration de conformité de ces dispositions (décision n°2020‑850 QPC du 17 juin 2020). 

Urbanisme aménagement environnement 

Les enjeux relatifs à l’habitat, à l’aménagement urbain et à l’environnement représentent une part significative de l’activité du tribunal.

L’un de ces enjeux est de respecter la priorité qui s’attache à juger en moins de dix mois les permis de construire des logements collectifs, accordés dans des zones de tension définies par le législateur pour répondre à la pression démographique. Ces permis représentent une partie significative du contentieux de l’urbanisme (plus de 15%), en particulier dans l’Hérault. Sur une cinquantaine de jugements rendus en 2020, 30 concernent l’agglomération montpelliéraine, dont 16 sur la seule ville de Montpellier. Parmi ces jugements, on peut compter des rejets dans la moitié des cas, quelques annulations et près de 40% de satisfactions partielles, correspondant en majorité à des annulations partielles, mais aussi à quelques mesures de sursis à statuer aux fins de régularisation.

Dans certaines affaires, les défis environnementaux sont confrontés aux impératifs de l’aménagement urbain. Dans l’Hérault, l’année 2020 a été notamment marquée par la suite des jugements concernant le projet de réalisation du lotissement multi-activités dénommé « Oxylane » à Saint-Clément-de-Rivière : arrêté préfectoral d’autorisation des travaux, n°1802004, 21 janvier 2020, rejet ; permis d’aménager modificatif, n°1904777, 15 juillet 2020, rejet (après l’annulation partielle du 15 février 2018, confirmée en cassation le 30 janvier 2020, n°419837) ; maintien du site d’implantation dans le SCOT, n°1902936, 4 mars 2021, rejet. Par ailleurs, le déplacement d’un club nautique à Carnon a été annulé pour méconnaissance de la loi « littoral » à laquelle le SCOT ne peut faire écran, n°1706176 , 21 novembre 2019. En matière d’architecture urbaine, un permis de construire à Montpellier a été annulé pour méconnaissance du règlement de l’aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine Gambetta-Clémenceau-Figuerolles, n°1900803 , 17 octobre 2019. Enfin, la question de la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement était en jeu dans le litige concernant le permis d’aménager le parc Montcalm, n°1806447, 19 septembre 2019, rejet.  

Les mêmes problématiques se sont retrouvées dans les Pyrénées-Orientales, à propos, par exemple, de la révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable de Perpignan, n°2000152 , 26 janvier 2021, rejet. La nature des prescriptions à mettre en œuvre pour assurer la protection contre les risques d’inondation est aussi régulièrement soumise à l’appréciation du juge administratif, notamment cette année, s’agissant d’une dizaine de permis de construire délivrés à Sainte‑Marie-la-Mer, assortis de prescriptions permettant de rehausser le niveau des planchers habitables au‑dessus de la cote des plus hautes eaux, en zone d’aléa fort (n°2002702 , 2 mars 2021, rejet des déférés préfectoraux - dans cette affaire, le tribunal a appliqué la nouvelle lignée jurisprudentielle qui change la logique en matière de permis de construire, à présent, la délivrance étant désormais la règle et le refus l’exception, CE, société Altarea COGEDIM IDF, 22 juillet 2020, n°426139 , à présent, le maire doit s’assurer qu’il n’y a pas d’autres alternatives au refus, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de prescriptions suffisantes). Voir aussi un projet de lotissement pour lequel les caractéristiques du bassin de rétention ont été jugés suffisantes au regard du risque d’inondation, n° 1901902-1905386 , 1er décembre 2020. A noter, en outre, un contentieux inédit entre deux communes au sujet de l’implantation sur leurs territoires limitrophes d’un projet de parc solaire photovoltaïque au sol de production d’électricité de 16 hectares et de réalisation d’une centrale photovoltaïque de production d’électricité sur un terrain limitrophe aux deux communes (n°1901519-19011520, 26 janvier 2021, rejet du recours de l’une des deux communes).

Les préoccupations environnementales sont transversales et peuvent donc impliquer différentes chambres de la juridiction.

Ainsi, outre les jurisprudences citées en matière d’urbanisme, la chambre 4 a jugé un litige où le domaine public maritime était en jeu - demande d’une commune de modifier le document de « Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte Occitanie » et de pouvoir installer des atténuateurs de houle (n° 1905928, 11 mars 2021, recours recevable, mais rejet). En matière d’environnement proprement dit, la chambre 5 est en charge du contentieux des installations classées et a jugé notamment, en 2020, celui relatif aux modifications des conditions d’exploitation d’une usine de transformation et de stockage de substances radioactives à Narbonne et d’un permis de construire pour une installation de traitement de nitrates, n° 1801562, 15 octobre 2019, rejet. Dans le domaine de la lutte contre la pollution des eaux, le refus préfectoral d’inclure dans la définition des points d’eau à prendre en compte pour l’application de la règlementation relative à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques tous les éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes au 1/25 000 de l’Institut géographique national a été annulé – en revanche, le ministre est seul compétent pour définir des mesures restreignant ou interdisant l’usage des pesticides dans certaines zones spécifiques protégées, n° 1802562, 5 novembre 2019.  

Enjeux de travail et sociaux

Pour la première fois, le tribunal a été saisi de plusieurs affaires relatives à des plans de sauvegarde de l’emploi. Deux sociétés étaient ainsi concernées, la première concernant une validation de l’accord collectif majoritaire de mise en œuvre (SNC Imprimerie du Midi, n°1906125, 13 février 2020, rejet) et la seconde concernant une décision d’homologation du plan de sauvegarde (Société Vortex, n°2003372 et autres, 27 octobre 2020, rejet, confirmé en appel, 20MA04734, 5 mars 2021).

À noter, aussi, qu’une décision relative au versement d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat aux salariés a jugé qu’une décision unilatérale d’employeur (DUE) attribuant une prime exceptionnelle au titre de l’article 1er de la loi n°2018-1213 aux salariés des établissements des services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, doit, eu égard à son objet et à son incidence potentielle sur les finances publiques et sociales, être regardée comme ne pouvant prendre effet, comme une convention ou un accord collectif, qu’après agrément du ministre compétent », n°1905818, 15 décembre 2020, rejet du recours formé contre le refus du ministre d’agréer la DUE de l’association requérante.

Autres jurisprudences signalées 

Marchés 

- Association U, n°2002342, 7 juillet 2020 : le juge des référés annule la décision du rejet de l’offre de la requérante en considérant que la commune avait commis un manquement à ses obligations de mise en concurrence en ne faisant pas usage de la faculté de demander à l’intéressée de compléter sa candidature et enjoint à la commune de réexaminer les candidatures reçues dont celle de l’association requérante.

Médiation 

- n°1906075, 15 juillet 2020 : refus d’homologation d’un accord de médiation entre une commune et un préfet, au motif que ce dernier ne peut pas s’engager à ne pas faire usage de son pouvoir de contrôle de légalité.

Laïcité 

- Fêtes de Saint-Roch, n°1804799, 3 novembre 2020 : rejet de la requête d’une association qui demandait au maire de Montpellier de renoncer au financement de « l’apéritif offert à tous » dans le cadre des fêtes de Saint-Roch au motif que cela constituait une « subvention à un culte », et de retirer sa décision d’apposer le sigle de la commune et un message de soutien sur les affiches de Saint-Roch au motif qu’elle constituait la promotion d’un culte.